La vision de Toute la mémoire du monde selon Alain
Resnais
Ce court-métrage réalisé en 1956 par Alain
Resnais est une commande du ministère des Affaires étrangères afin de promouvoir dans le monde la culture
française, incarnée par la BNF.
Dans son film, Alain Resnais pose une
question essentielle, celle de la mémoire et sa conservation. George Sand disait que
« l'oubli est le vrai linceul des morts ».
L’être humain, au même titre que les
autres espèces vivantes, est soumis aux affres du temps. Confronté à sa propre déchéance
physique, son existence se prolonge dans les traces qu’il a laissées
(testaments, livres, lois, archives…). Cet ensemble de traces forme la mémoire
du passé, permettant de mieux appréhender notre présent. La sauvegarde de cette
mémoire induit à conserver tous ces témoignages. Néanmoins, au fil des siècles,
les témoignages s’ajoutent et se stratifient. S’impose ainsi la nécessité
d’organiser tous ces documents afin que tous puissent y accéder.
C’est pourquoi le documentaire nous plonge
dans l’organisation complexe de la BNF. On suit le parcours tortueux du
document. Débutant par son enregistrement auprès du bureau du Dépôt légal, il
est ensuite référencé avec l’aide d’un code pour être installé sur son étagère.
Dans une plus grande mesure, la composition du travail de la BNF est titanesque
sachant qu’elle accueille 200 kg de journaux par jour (en 1956), regroupe près
de 5 millions d’estampes et 6 millions d’ouvrages.
La rigueur de la démarche permet de parer
à la submersion de documents et d’assurer à chacun une existence mémorielle.
La conservation des témoignages est un autre
point sur lequel Resnais insiste. Partant du postulat où la conservation de la
mémoire suppose un socle matériel ou numérique (sinon elle s’estompe avec les générations),
les artisans de cette préservation (bibliothécaires, archivistes…) doivent
assurer la plus « longue vie » à ce socle. Ce « rallongement de
la vie » s’effectue grâce à la restauration du papier, à l’élimination des
insectes, à la numérisation, au maintien de conditions atmosphériques idéales…
Le documentaire transforme la
bibliothèque, et plus généralement les archives ou les universités, en gardiens
de « toute la mémoire du monde ». Sur le même exemple que la bibliothèque
d’Alexandrie dans l’Antiquité, ces institutions sont les garantes de la
connaissance universelle par la masse de documents de diverses origines. Ce
savoir n’est pas égoïste. Resnais montre qu’il est aussi « la mémoire de
tout le monde ». Cette mémoire concerne tant les individus que les Etats
ou les institutions, elle doit donc être accessible à tous. Pour cela la
catégorisation et l’organisation des documents sont nécessaires pour assurer
une équité dans leur accessibilité.
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